Le souvenir des anciennes relations entre le monde égéen et la Sicile s’est maintenu au cours des périodes sombres qu’a connues le monde grec à partir de la fin du IIe millénaire. Le mythe de Dédale, le génial architecte constructeur de Camicos – la capitale du roi des Sicanes Cocalos (la future Agrigente ?) – poursuivi jusqu’en Sicile par Minos qui y trouve la mort, en témoigne. Dans l’Odyssée, Homère évoque les dangers qui, sur les côtes de Sicile, menacent les navigateurs égarés dans les mers occidentales ; mais les Lestrygons (géants anthropophages que l’on localise aussi au sud du Latium), les Cyclopes et les deux monstres marins Charybde et Scylla ne sont peut-être que le produit des fables répandues par les marins phéniciens pour dissuader leurs rivaux grecs de venir concurrencer leur fructueux commerce.
vers -760 : Les contacts se rétablissent entre le monde grec et la Sicile à la faveur du vaste mouvement d’expansion et de colonisation helléniques qui se prolonge jusqu’au milieu du siècle suivant et qui entraîne vers l’ouest Chalcidiens, Mégariens, Corinthiens, Rhodiens et Crétois.
-757 : Des Chalcidiens venus d’Eubée fondent au cap Schiso – au nord de l’Etna, sur les derniers contreforts des monts Péloritains, près d’une vallée favorable au blé et à la vigne – la colonie de Naxos. Celle-ci sera détruite par Denys l’Ancien en -403. Installée à proximité, Tauromenion succédera à Naxos. Thucydide donne comme date de fondation -734, mais les recherches archéologiques font conclure à une date plus ancienne d’une vingtaine d’années, ce qui vaut également pour les autres dates de fondation données par l’auteur de La Guerre du Péloponnèse, à l’exception toutefois de celle de la fondation de Syracuse.
-752 : Les Naxiens s’installent au sud de l’Etna, à Leontinoi, qui peut exploiter la « plaine blonde » de l’arrière-pays. Une autre colonie chalcidienne est établie à Catane la même année, dans la région où se trouvent les sols les plus riches de l’île. La chronologie traditionnelle donne la date de -729.
-750 : Les Chalcidiens fondent Zancle, la future Messine. Après la fondation de Rhegion sur la côte italienne (la future Reggio de Calabre), ils seront maîtres du détroit.
Des Doriens de Mégare et de Corinthe fondent la colonie de Mégara Hyblaia, sur la côte du golfe d’Augusta (-728 selon Thucydide).
-733 : Des Corinthiens conduits par Archias atteignent la côte héréenne, au sud-est de la Sicile, et s’établissent sur l’île d’Ortygie, non loin des marais de Syraco, pour fonder la colonie qui deviendra Syracuse, sur un site particulièrement favorable (l’étroit chenal séparant l’île de la terre ferme permet la communication entre le Grand et le Petit Port et, en remontant, dans l’arrière-pays, la basse vallée de l’Anapos, il est aisé d’atteindre Pantalica, l’ancienne capitale sicule).
-716 : S’avançant vers l’ouest, les Zancléens fondent Mylai, puis s’installent en – 648 à Himère.
-689 : Rhodiens et Crétois fondent Géla à l’embouchure du Gélas, le « fleuve froid », et installent ainsi la présence dorienne sur la côte sud de la Sicile.
-663 : Les Syracusains fondent Acrai, à une trentaine de kilomètres dans l’arrière-pays de leur cité. Avec les fondations de Casmenai en -643, puis de Camarina en -598, ils exploitent la majeure partie de l’espace agricole du sud-est de la Sicile.
Seconde moitié du VIIe siècle : Catane recourt à Charondas, un législateur étranger, pour définir ses institutions.
-650 : Venu de Megara Hyblaea, Pamylos fonde Sélinonte, qui deviendra, à l’embouchure de l’Hypsas, la plus importante cité du sud-ouest de la Sicile, dans la région considérée, après celle de l’Etna, comme la plus fertile de l’île (la chronologie traditionnelle donne – 628). Heracleia Minoa sera fondée par Sélinonte à une date ultérieure qu’il est impossible de préciser.
-608 : À Léontinoi, le polémarque Painaitios organise le massacre des « Cavaliers », les oligarques de la cité, et se fait tyran, fournissant ainsi le modèle de régime politique qui prévaudra largement tout au long de l’histoire de la Sicile grecque. Les plus célèbres de ces tyrans de l’époque archaïque seront Phalaris d’Agrigente, Peithagoras et Euryléon à Sélinonte, Cleandros et Hippocratès à Géla.
-582 : Des colons venus de Géla fondent à 120 km à l’ouest de cette ville celle d’Acragas (Agrigente), à proximité de l’embouchure de la rivière portant ce nom.
-580 : La poussée grecque est contenue dans l’ouest de l’île. La cité indigène d’Égeste (qui deviendra Ségeste à l’époque romaine) limite l’expansion du territoire de Sélinonte. Alors que le poète Stésichore d’Himère appelle à la colonisation de l’ouest sicilien, Pentathlos, que la tradition présente comme un descendant d’Héraclés, échoue dans sa tentative d’installer à Lilybée une colonie de Cnidiens et de Rhodiens qui gagnent finalement les îles Éoliennes (archipel des Lipari). À la fin du siècle, en -510, le Spartiate Dorieus est également vaincu par les Égestains alliés des Puniques, et sa troupe s’établit à Heracleia Minoa, à l’embouchure de l’Halycos, aux frontières du territoire d’Agrigente.
- 570 -554 : Tyrannie de Phalaris à Agrigente.
Phalaris était renommé pour son excessive cruauté. Le cannibalisme figurait parmi ses atrocités présumées : on disait qu'il mangeait des bébés qui tétaient encore le sein de leur mère. L'histoire du taureau de Phalaris, peut-être enjolivée avec le temps, est devenue le symbole même de l'arbitraire et de la cruauté de la
tyrannie. Dans son
taureau d'airain, inventé par Perillos d'Athènes, les victimes du tyran étaient enfermées et grillées vivantes par un feu allumé en-dessous. Leurs cris perçants rappelaient à Phalaris les mugissements du taureau. La légende dit que le sculpteur Perillos fut la première victime de sa propre invention.
-570 : Premières monnaies grecques de Sicile à Sélinonte et Himère.
-565 : Débuts de la construction du temple d’Apollon à Syracuse.
-550 : Camarina est vaincue et détruite par Syracuse.
-550 -500 : Construction des temples C et F de Sélinonte
-505 : Cleandros devient tyran de Géla. Il est assassiné en -498. Son frère Hippocratès lui succède, soumet les cités chalcidiennes de Naxos, Léontinoi et Zancle avant de menacer Syracuse, mais l’intervention de Corinthe et de Corcyre le contraint à conclure la paix. Il conserve Camarina mais meurt en -491 alors qu’il assiège Megara Hyblaia. C’est le commandant de la cavalerie, Gélon, qui hérite de son pouvoir, détruit Mégara Hyblaia en -483 et s’empare de Syracuse en -482. Il s’installe dans cette dernière ville pour en faire sa capitale et confie Géla à son frère Hiéron.
- 491 av JC : Hyppocrate, tyran de Gela, s'empare de Syracuse et de Mégare
- Gélon de Géla (successeur d'Hyppocrate) s'impose à Syracuse et y ramène les nobles chassés précédemment par une révolte populaire.
-480 : Grande victoire des Grecs sur les Carthaginois à Himère. Théron, tyran d’Agrigente depuis -488, a imposé son protectorat à cette cité après en avoir chassé le tyran Terillos qui, avec Sélinonte, a recherché l’alliance punique. Assiégé dans Himère, Théron reçoit le secours de son gendre Gélon de Syracuse, de Léontinoi et de Géla, et la défaite carthaginoise est totale. Des milliers d’esclaves vont ainsi fournir la main d’œuvre nécessaire aux grands travaux entrepris alors à Syracuse et Agrigente. Himère voit le triomphe de l’hellénisme occidental au moment où les cités grecques sortent victorieuses des guerres médiques. Sélinonte a été seule à se ranger du côté punique, mais, après 480, elle se rapproche de Syracuse et d’Agrigente et constitue pour un temps avec elles une sorte de triarchie siciliote.
-480 -460 : Construction du temple dorique d’Athéna à Syracuse, des grands sanctuaires d’Agrigente, du temple E de Sélinonte et du temple d’Himère.
478 : À la mort de Gélon, son frère Hiéron lui succède et s’assure le contrôle du détroit de Messine. Son règne, qui dure jusqu’en -466, voit l’apogée de Syracuse qui accueille alors les poètes Épicharme et Sophron, le rhéteur Corax, les poètes épiques Simonide, Bacchylide et Pindare alors qu’Eschyle y fait représenter ses Perses en -470 (si l’on en croit la tradition, il mourra à Géla en -456).
-474 : Victoire navale de Hiéron contre les Étrusques au large de Cumes.
-472 : Hiéron bat Thrasydée, fils et successeur de Théron disparu l’année précédente, et impose son protectorat à Agrigente et à Himère.
-466 : Mort d’Hiéron. Son frère Thrasybule, le dernier des Deinoménides (les fils de Deinoménès), lui succède, mais, dès -461, la révolte est générale dans « l’empire syracusain » qui se désagrège au cours des années suivantes. Dans la plupart des cités, des régimes démocratiques, le plus souvent éphémères, succèdent vers cette époque aux tyrannies qui s’étaient établies depuis un siècle et demi.
-451 : Le roi des Sicules Doukétios est vaincu par la coalition formée par Agrigente et Syracuse. Il reprend la lutte en -446, mais meurt en -440 et sa disparition marque, avec la destruction de Paliké – la plus importante des citadelles sicules –, la fin des révoltes indigènes dans l’est de l’île.
-435 : Mort d’Empédocle. Né en -490 et chef du parti démocratique à Agrigente, le philosophe – qui avait tenté de réaliser dans sa Nature de l’Univers, dont quelques fragments nous sont parvenus, la synthèse des réflexions des Ioniens, des Éléates et d’Héraclite – serait mort en se jetant dans le cratère de l’Etna pour se fondre avec le feu originel et obtenir ainsi l’immortalité.
- 427 -425 : En lutte avec Syracuse, Léontinoi, alliée de Rhegion et de Naxos, charge le sophiste Gorgias de rechercher l’alliance d’Athènes ; mais la flotte athénienne est battue dans le détroit de Messine, la paix est conclue à Géla
-422, une garnison syracusaine s’installe à Léontinoi et en chasse l’oligarchie fortunée.
vers -425 : Construction du temple de Ségeste.
-416 : Syracuse soutient les prétentions de Sélinonte sur Égeste, dans le cadre d’une politique visant à imposer en Sicile l’hégémonie dorienne.
- 415 -413 : L’expédition de Sicile, conduite par les Athéniens contre Syracuse, se conclut sur un désastre total. Désireux de soutenir leurs alliés de Naxos et de Catane contre Syracuse, les Athéniens, déjà engagés depuis -431 dans la guerre du Péloponnèse, envoient en Sicile une puissante expédition navale (35 000 hommes, plus de 200 navires de combat et de transport) commandée par Nicias et Alcibiade. Menacé de poursuites du fait des soupçons de sacrilège qui pèsent sur lui après la mutilation des Hermès, Alcibiade s’enfuit à Sparte, la cité ennemie d’Athènes, et y excite le parti de la guerre. Le Lacédémonien Gylippe parvient ainsi à entrer dans Syracuse assiégée pour renforcer les défenseurs commandés par
Hermocratès, et l’armée de secours athénienne amenée par Démosthène ne peut changer le cours de la lutte, qui se termine sur une défaite totale des Athéniens. Sept mille survivants prisonniers sont alors enfermés dans les Latomies, les carrières de Syracuse.
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406 : Le Carthaginois Himilcon pille et brûle Agrigente.
-405 : Géla et Camarina sont détruites à leur tour ; mais une épidémie de peste sauve Syracuse où Denys l’Ancien, qui s’est imposé comme tyran, achète la retraite punique.
-397 : Un an après la reprise de la guerre entre Syracuse et Carthage, les Grecs prennent Motyé mais subissent une défaite navale devant Catane.
-396 : Victoire totale de Denys sur les Carthaginois qui assiégeaient Syracuse et voient leur flotte en grande partie détruite. Le tyran prend Solunte aux Carthaginois en -393 et impose son autorité à toute la Sicile, sauf Égeste et Panorme. Il bat les cités grecques d’Italie en -388 lors de la bataille de l’Eloporos, prend Rhegion et installe même une base à Locres en -387, ce qui lui assure le contrôle du détroit de Messine. Denys fait fortifier Ortygie et, sur la terre ferme, deux murailles nord et sud protègent la colline des Épipoles et convergent vers le fort de l’Euryale. Achevé en -385, ce système fortifié garantit la sécurité de Syracuse et de sa flotte abritée dans le Petit Port.
-375 : Victoire de Denys sur les Carthaginois de Magon à Cabala, dans l’ouest de la Sicile. Il est ensuite battu à Cronion (près de Thermae, l’ancienne Himère) et, après un nouvel échec devant Lilybée, doit reconnaître aux Puniques le contrôle d’un tiers de l’île (à l’ouest d’une ligne allant du cours de l’Halykos à Thermae) alors que le centre et l’est sont rendus à l’hellénisme.
- 368 av JC, le Carthaginois Imilcone est défait au siège de Syracuse.
- 367 : À la mort de Denys l’Ancien, son fils Denys le Jeune lui succède et attire à sa cour les philosophes Aristippe de Cyrène et Platon (déjà accueilli à Syracuse en -389, le philosophe y reviendra en -361).
- 357 -355 : Oncle de Denys, Dion le chasse de Syracuse, puis d’Ortygie, avant d’être lui-même assassiné par ses mercenaires en – 354.
-344 : Revenu à Syracuse deux ans plus tôt, Denys remet Ortygie au Corinthien Timoléon qui doit faire face aux menaces que représentent Léontinoi et les Carthaginois. Il bat ceux-ci en -341 dans l’ouest de l’île, sur les bords du Crimisos.
- 339 av JC, Timoléon de Corinthe, appelé par Syracuse, bat à nouveau les Puniques à la bataille du fleuve Crimiso
-337 : Timoléon, qui a établi la démocratie à Syracuse et repeuplé la ville, abandonne le pouvoir.
-319 : Agathocle s’empare du pouvoir et soulève la foule contre les aristocrates.
-311 : Vaincu par les Carthaginois et assiégé dans Syracuse, Agathocle débarque au cap Bon et attaque le territoire punique.
-305 : La paix est rétablie avec Carthage après une deuxième incursion en Afrique en
-308 -307. C’est en -307 qu’Agathocle prend le titre de roi.